Russie : Poutine maitre du Kremlin

Vladimir Poutine a été élu le 4 mars 2012 pour un 3ème mandat à la tête de la Fédération de Russie. En 2008, il avait céder son poste Président pour celui de premier ministre, puisque la constitution Russe ne lui permettait pas de se représenter. L'investiture a eu lieu le 7 mai 2012. C’est Dimitri Medvedev qui a hérité à nouveau du fauteuil de premier ministre. Scénario trop bien rôdé, selon les nombreux contestataires anti-Poutine qui ont manifesté la veille de l'investiture à Moscou. Les partisans de Poutine parlent eux de stabilité et refusent le terme stagnation. Au moment de prêter serment, les tout premiers mots prononcés par Vladimir Poutine étaient: « Je jure, dans l'exercice de mes fonctions de président de la Fédération de Russie, de respecter et de protéger les droits de l'homme et des citoyens». Vladimir Poutine se retrouve à la tête de la deuxième puissance militaire de la planète, d’une économie qui affiche une croissance à 7%.  Mais cette économie est profondément affectée par le chômage, la corruption, et l’expansion de la pauvreté en Russie. En sus, il faut ajouter la question de la liberté d’expression et du respect des libertés individuelles, la désindustrialisation de ce pays, le vieillissement de sa population, et la détérioration de son système éducatif. Sur le plan intérieur, il est très attendu sur ces questions. Sur le plan extérieur, il est attendu sur les négociations avec l’OTAN, la ratification de STARTIII, le projet de création d’une union eurasiatique, et la participation de la Russie au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Enfin, nous Africains nous demandons ce que son élection augure pour  les prochaines relations Afrique-Russie ?

i.                   Sur le plan intérieur

Les larmes sur la joue droite de Vladimir Poutine, le 4 mars, lors de son meeting de la victoire, étaient-elles des larmes de triomphe ou de rage ? L'ampleur du vote en sa faveur - 64%, élu au premier tout- ferait pencher pour la première hypothèse. Mais les conditions dans lesquelles M. Poutine a dû arracher ce retour au Kremlin, après deux mandats présidentiels successifs, puis quatre ans passés au poste de premier ministre, lui ont sans doute laissé un goût amer. A Moscou même, il n'a pas eu la majorité. Contrairement aux apparences, Vladimir Poutine n'est plus seul maître chez lui. Cette victoire, il a dû se battre comme jamais pour l'obtenir.

La Russie a changé. Le mouvement de protestation sans précédent qui a secoué la capitale, et plusieurs grandes villes du pays, depuis les élections législatives entachées de fraude du 4 décembre illustre le réveil d'une nouvelle catégorie de citoyens, avec laquelle le maître du Kremlin va devoir compter. Cette nouvelle classe moyenne russe, urbaine et informée, a, paradoxalement, émergé et prospéré sous Poutine. Mais elle veut un pays normal et moderne, pas une Fédération orpheline de son empire, gangrenée par la corruption et obnubilée par les idéologies soviétiques.

Vladimir Poutine a promis de moderniser la Russie, diversifier son économie et en faire un pays qui compte sur la scène mondiale. Il doit aussi travailler avec cette classe moyenne rebelle. C'est peut-être ce qui l'a poussé à faire quelques concessions : assouplissement du régime d'enregistrement des partis politiques, autorisation des manifestations, annonce, lundi, qu'une demande d'examen des condamnations de Mikhaïl Khodorkovski, l'ex-dirigeant de la firme Yukos emprisonné, a été déposée. Poutine a promis lors de sa campagne de moderniser les universités (projet de création d’une Harvard Russe) et de lutter contre de chômage et la pauvreté.

ii.                Sur le plan extérieur

Même si le Département d’état américain a affirmé à la veille de l’élection qu’il travaillera avec le futur président Russe, on sait que la maison Blanche redoutait un retour au pouvoir de Poutine, jugé hard, par rapport à Medvedev, jugé soft. Rappelons-nous des sons de cloche dissonant lors de l’intervention de l’OTAN en Libye entre un Medvedev qui l’a soutenue et un Poutine qui l’a vertement condamnée. Poutine est donc attendu par les américains sur deux sujets principaux : la coopération de la Russie avec l’OTAN, notamment la question de l’élargissement de l’OTAN et celle du bouclier antimissiles, et la réduction des arsenaux nucléaires et balistiques. En effet, le Traité de réduction des armes stratégiques (START III) n’a à ce jour été ratifié ni par la Duma, ni par le Congrès. Il prévoit une réduction du nombre d’ogives nucléaires à 1700 de 2010 à 2020. A ce jour, la Russie a plus de 10 000 têtes nucléaires et les Etats-Unis environ 9400. Ce traité prévoit également la réduction des missiles balistiques, notamment des missiles stratégiques, c’est-à-dire des missiles qui peuvent atteindre des cibles à 10 000Km de distance. Poutine est aussi attendu sur le dossier syrien, car le plus grand allié de Damas en ce moment, c’est bien la Russie, qui continue de lui vendre des armes. Il est aussi question de discuter de l’élargissement de l’OTAN aux pays de l’ex URSS, dont la Russie estime qu’il s’agit d’une stratégie d’endiguement et d’encerclement des États-Unis.

Poutine est aussi attendu par les pays asiatiques, notamment la Chine. Suite aux pressions américaines et aux rivalités géopolitiques, la Russie a réduit ses approvisionnements en armes à la Chine. Le gouvernement chinois espère qu’avec l’arrivée de Poutine, la coopération « militaro-technique » comme le disent les Russes, va se redéployer. Il est aussi attendu par les pays de l’ex URSS qu’il va tenter de convaincre afin qu’ils adhèrent à son projet d’union eurasiatique, censée contrer l’influence de l’OTAN.

En Afrique, il est difficile de penser que les référents de la politique étrangère russe vis-à-vis de l’Afrique vont changer. L’Afrique a d’ailleurs occupé une place plus que marginale dans la campagne résidentielle russe. Il est donc presque certain que la politique étrangère russe en Afrique sera toujours marquée par : la coopération miliaire, notamment an matière de vente d’armes; les échanges économiques et la non-ingérence dans les affaires intérieures. Le seul détail qui pourrait changer, c’est que le principe de non ingérence sera plus que respecté avec Poutine. Par exemple, si Poutine avait été à la tête de la Russie, il aurait été difficile qu’il votât la résolution 1973  du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a permis à l’OTAN d’intervenir en Libye. Poutine a publiquement condamné l’intervention en Libye et en Côte d’ivoire lorsqu’il était premier ministre.

 

En Amérique, en Asie, en Afrique comme en Europe, on attend de savoir ce que sera la politique étrangère Russe sous l’ère Poutine III. Correspondra-t-elle à ce qui est décrit dans son projet de société ? Y aura-t-il des surprises ? Et si oui, lesquelles ? De conjectures en conjectures, la prospective géopolitique se rapproche de la vérité.

 

Par Hans De Marie HEUNGOUP                                                                               Politologue, Chercheur à la FPAE, Cameroun.



12/07/2012
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