Du discours à l’acte : que peut-on attendre de Copenhague ?

Du discours à l’acte : que peut-on attendre de Copenhague ?

 

Le climat est un bien collectif ou public mondial. Une action collective est par conséquent nécessaire même si elle se heurte aux intérêts des puissances. Ces propos de Philippe Hugon illustrent à souhait que la question du climat concerne tous les Etats. Et de ce fait, des jeux coopératifs sont possibles dès lors que la lutte contre les changements climatiques est un jeu à somme positive, même si les gagnants ne sont pas prêts à compenser les perdants et chaque joueur cherche en fonction de sa puissance à défendre ses intérêts. C’est ce qui justifie La Conférence de Copenhague qui se réunit depuis le 07 et ceci jusqu’au 18 décembre 2009, et qui doit mettre en place un nouveau protocole sur le climat entre 2013 et 2017. Mais alors que tous les regards du monde entier sont rivés vers Copenhague, la capitale danoise où se célèbre la grande « messe » sur le climat, la question qui se pose est celle de savoir ce qu’on peut attendre de Copenhague. Loin de nous toute prétention de vouloir réduire à une simple clause de style cette conférence de haute facture qui intervient dans un contexte de profonde crise du climat causée par son réchauffement, notre réflexion se fonde plutôt sur l’après Copenhague. Tant il est vrai que les résolutions qui seront prises ont pour seul objectif de permettre à la communauté internationale de tenter de limiter de façon drastique les émissions de gaz à effet de serre qui causent le réchauffement de la planète à 2 degrés, comme l’observe une fois de plus Philippe Hugon. Ce d’autant que pour les scientifiques, cet objectif impose la réduction de moitié des émissions mondiales d'ici 2050 par rapport à 1990, et de 80% pour celles des pays industrialisés.

En relisant l’histoire, l’on peut se rendre à l’évidence que les conférences et les sommets organisés par l’ONU sur les différents aspects de la crise écologique à l’effet de sauver notre planète en danger, sont légion. Et lors de tous ces grands rendez-vous, les résolutions, les chartes et bien d’autres décisions ont été adoptées. Malheureusement, les menaces de destruction voire d’extinction ne cessent de peser chaque jour sur la planète. Ceci ne laisse aucun esprit indifférent, au point où nombreux comme nous à travers cette réflexion se posent la question de l’utilité des conférences et sommets organisés ici et là dans le monde pour sauver la planète. Pourquoi multiplie-t-on les conférences, si après celles-ci le discours ne se transforme pas en acte ? Pourquoi Copenhague alors que Kyoto, qui prend fin en 2012, n’a jusqu’à présent été ratifié par les USA ; et les Etats qui l’ont même ratifié ne sont pas effectivement passés à l’acte en l’appliquant tel qu’il est défini? Les sommets et conférences peuvent-ils être considérés comme une planche de salut pour une planète en danger ? A y voir de prêt, il est évident de constater que la solution, s’il y en a une sur la question actuelle du climat, tient d’une dimension autre que celle qui viendrait des résolutions des conférences. Ce qui montre que le problème est bien ailleurs, un ailleurs qui est certes compatible avec des conférences et sommets organisés ici et là, mais non déductible d’eux. Il serait naïf voire illusoire de prétendre arriver à l’application d’une résolution qui sera adoptée par tous les Etats, surtout ceux qui polluent le plus la planète à travers une prolifération des industries toxiques de toute sorte, qui chaque jour contribuent à l’augmentation du taux des gaz qui provoquent l’effet de serre. Car, tant que les Etats en l’occurrence ceux dits les plus développés et qui se regroupent aujourd’hui en G20 seront toujours obsédés par la logique de l’accumulation des richesses corollaires de la donne capitaliste, tant qu’ils ne se définiront que par rapport à la volonté de puissance et de domination, il sera utopique d’envisager une véritable prise de conscience quant au souci de sauver la planète. Qui appliquera les résolutions qui seront prises à Copenhague ?

Dans tous les cas, nous sommes loin de penser que les USA qui n’ont jusqu’à ce jour pas ratifié le protocole de Kyoto en vigueur jusqu’en 2012 le feront ; encore moins la Chine qui continuera, au-delà des déclarations, de construire une centrale thermique par semaine à base de charbon, comme le souligne Philippe Hugon. Une chose est vraie, tant que les pays ne vont pas revoir leur manière de comprendre la planète mieux la création toute entière comme un objet à conquérir et se l’approprier, comme un réservoir où ils peuvent puiser autant de ressources qu’ils voudront, rien ne changera. Car en fin de compte, le problème n’est pas au fond celui de la révolution technoscientifique qui caractérise notre temps, mais plutôt celui des mentalités et du rapport de l’homme à la nature, à la planète,  bref à la création toute entière. Le tout n’est pas dans la ratification des conventions et protocoles, mais dans un changement radical de la donne actuelle en appliquant ces derniers. On voit bien que nonobstant la ratification du protocole de Kyoto par la majorité des Etats, le réchauffement climatique ne cesse d’être grandissant.

La question climatique qui devient une question charnière, interroge autant notre mode de vie, nos choix personnels et collectifs, que le type de développement que les Etats mettent de l’avant et la nature des rapports que ceux-ci veulent établir entre eux. Des rapports faut-il le rappeler fondés essentiellement sur l’accumulation et l’intérêt. La crise climatique qui n’est qu’un aspect de la méga crise écologique que le monde traverse en ce moment, nous amène donc à réexaminer comme le souligne Louis Vaillancourt les fondements de la culture occidentale, totalement fascinée par une Technoscience au service de l’idéologie du développement et de la productivité illimitée. Il est donc juste de considérer le réchauffement climatique comme le nœud ou le symptôme le plus aigu (du moins le plus visible) d’une crise de l’humanité, le révélateur d’une crise de fondements. Tant que l’humanité considérera le système capitaliste qui a refroidi la vie humaine dans les eaux glacées du calcul égoïste (Octavio Paz) comme la seule planche de salut, prenant à la lettre les dogmes sur lesquels repose notre système économique actuel, il est évident que la prise de conscience quant à la sauvegarde de notre planète ne sera qu’une utopie. Tant qu’il n’y aura pas un changement radical des mentalités qui permettre aux Etats d’exploiter avec modération les ressources de la planète non pour l’accumulation et la domination, mais pour subvenir aux besoins de l’homme qui doit être la fin de tout système, on aura beau multiplier des conférences comme Copenhague, rien ne changera. Oui aux conférences et aux discours, mais tant que les plus grands pollueurs de la planète ne passeront pas à l’acte, les assises comme celles de Copenhague ne seront qu’une feuille de choux aux yeux des plus pauvres qui paient chaque le pris de la folie des grands de ce monde.   

Jean TOUBE ADJI, Licence III (Théologie)



31/12/2009
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